mardi 26 septembre 2017

Les jumeaux vénitiens de Carlo Goldoni

Jean-Louis Benoit n'a pas son pareil pour aborder des pièces où cohabitent la farce et l'émotion. Les jumeaux vénitiens imaginés par Goldoni ont été séparés à leur naissance. Une vingtaines d'années plus tard ils se trouvent, sans le savoir, tous deux dans la même ville. L'un est un homme dégourdi, l'autre un crétin. Le premier est venu retrouver celle qu'il aime, le deuxième la fille qu'il n'a jamais vue à laquelle on le marie. Leur parfaite ressemblance va créer une avalanche de quiproquos. Le metteur en scène a eu l'heureuse initiative de se lancer dans une adaptation qui respecte le parler brut et à l'occasion le verbe vert qu'affectionnait l'auteur. De ce fait les dialogues constamment font mouche. Montée à un rythme soutenu la pièce apparaît dans toute sa saveur. Pris dans un faisceaux de malentendus, les personnages comprennent que dalle à ce qui leur arrive. C'est ainsi que l'un des frères que la vue d'une épée fait défaillir est pris pour son jumeau solide bretteur... Jean-Louis Benoit montre comme le plus souvent une grande sureté dans sa direction d'acteurs. Entourant Maxime d'aboville qui campe avec époustouflante maestria les jumeaux Victoire Bélézy, Thibault Lacroix et leurs partenaires y vont de tout leur savoir faire. Une mention spéciale à Olivier Sitruk distribué avec justesse dans le rôle d'un faux dévot et authentique canaille qui évoque le Tartuffe de Molière écrit en en 1669. Comme Goldoni écrivit la sienne de pièce 75 ans plus tard on présume qu'il s'en est inspiré. Vieux complice du metteur en scène, Jean Haas a conçu un décor si astucieux que les événements les plus saugrenus peuvent s'y situer. Jusqu'au 31 décembre Théâtre Hébertot tél 01 43 87 23 23

jeudi 21 septembre 2017

Haute surveillance de Jean Genet

Cédric Gourmelon avait monté cette pièce emblématique de Jean Genet il y a vingt ans. Ce fut un émerveillement qui se reproduit aujourd'hui dans la mise en scène qu'il réalise dans le cadre de la Comédie- Française. L'auteur, qui connut l'enfer des bagnes pour enfants, savait d'expérience combien il importe à ceux qui sont enfermés de trouver le moyen d'enchanter leur séjour. Dans son théâtre comme dans ses romans Genet éleva la voyouterie au niveau de la mythologie. Ici ils sont trois dont l'un, Yeux verts, est condamné à mort. Ce qui lui confère aux yeux de ses co-détenus un violent attrait. L'un, Maurice ne cache pas la passion qu'il lui voue. L'autre, Lefranc, seul lettré du trio, écrit les lettres qu'il envoie à sa femme. Entre ces deux hommes la jalousie gagne constamment du terrain. Lorsque leurs regards s'éprouvent le plateau ressemble à une arène. Yeux verts qui, lui, s'exprime le plus souvent à travers des monologues, affirme qu'il est déjà mort. Il semble d'ailleurs, à certains instants désincarné. Comédiens au métier sûr, Sébastien Pouderoux, Jérémy Lopez, Christophe Montenez et Pierre Louis-Calixte (qui campe le surveillant, le gaffe comme ils disent) manient à merveille la langue en fusion de Genet. Les somptueuses lumières d'Arnaud Lavisse achèvent de rendre ce spectacle, osons le mot, ensorcelant. Jusqu'au 29 octobre Studio - Théâtre de la Comédie-Française tél O1 44 58 15 15

lundi 18 septembre 2017

La pitié dangereuse de Stefan Zweig

En adaptant pour la scène le roman de l'autrichien Stefan Zweig, le metteur en scène britannique Simon McBurney révèle l'étourdissante richesse de son vocabulaire théâtral. Dirigeant cette fois des comédiens de la Schaubühne de Berlin, il réalise à sa façon le rêve européen de Zweig. A la veille de la première guerre mondiale le lieutenant Anton Hofmiller, né dans une famille modeste, se trouve de manière inopinée invité chez un richissime propriétaire terrien. L'accueil chaleureux que lui fait ce père d'une jeune paralytique a sur lui un effet enchanteur. Les sarcasmes de ses camarades de beuverie qui traitent son hôte d'origine juive d'escroc ne l'atteignent pas. L'écrivain explore jusqu'à l'effroi la relation qui se noue entre l'officier et l'infirme qui s'est prise pour lui d'un fol amour. Que submergé par la compassion il n'a pas la force de décourager. Et qu'au contraire, malgré une panique grandissante et à son corps défendant, il entretient. Ce qui aura des conséquences dévastatrices. Simon McBurney a réalisé là un spectacle d'une puissance déflagrante. Porté, cela va sans dire, par les acteurs d'une troupe considérée à juste titre comme l'une des meilleures du continent. Dans le cadre du Festival d'Automne et en collaboration avec le Théâtre de la Ville-Paris; Jusqu'au 24 septembre Les Gémeaux 92 Sceaux tél 01 46 61 36 67

mercredi 13 septembre 2017

YOU YOU de Jovan Atchine

You You, qui s'appele en réalité Yougoslavia, est le nom par lequel l'appelait monsieur Rozenberg, qui fut son patron et l'homme de sa vie. Celui-ci vient de mourir. Son fils qui a repris la direction de sa florissante entreprise et que la présence de l'amie de son père indispose lui a "accordé" ses droits à la retraite. Face au personnel de la maison où elle mena des décennies durant une vie industrieuses, You You, tout sourire, fait un discours d'adieu. Celui-ci est entrecoupé par le récit des événements marquants de sa vie. Née au bord du Danube, lequel précise t'elle n'est pas bleu, elle dût quitter son pays quand, après avoir chassés les allemands, les russes, amateurs forcenés des femmes des pays conquis ou libérés, l'occupèrent. Après avoir mené à Paris une existence précaire, elle fit la connaissance de celui qui allait densifier sa vie. Son mariage les éloigna. Mais il revint vers elle quand son couple se mit à battre de l'aile. Il comprit alors que le fils qu'elle élevait était aussi le sien. Aujourd'hui ce fils s'est envolé pour Amérique où il voulait qu'elle le rejoigne. Mais dévouée à son homme comme à sa "boîte, elle déclina son offre. Elle se trouve aujourd'hui irrémédiablement seule et ulcérée que dans la société actuelle les vieux, quelles que soient leurs compétences, soient mis au rebut. Le texte a l'écriture d'une délicatesse extrême est de l'auteur et réalisateur franco-serbe Jovan Atchine. Il est interprété par Mina Poe, comédienne d'élite qui le joue avec l'accent serbo-croate de sa famille et qui longtemps s'est tenue éloignée du métier pour créer une marque de prêt à porter. Elle y revient à présent en rejouant cette partition à laquelle elle s'était mesurée sous la direction de Philippe Adrien en 1983. C'est Elodie Chanut qui assure cette fois la mise en scène. De façon on ne peut plus subtile. Studio Hébertot tél 01 42 93 13 04

jeudi 7 septembre 2017

La dame de chez Maxim . Texte de Georges Feydeau

Il a été maintes fois prouvé que les pièces de Feydeau sont des mécaniques dont il faut respecter les ressorts. La metteuse en scène Johanna Boyé n'en a eu cure qui a réduit de quasi moitié La dame de chez Maxim. Elle courait ce faisant le danger que le spectacle apparaisse comme un "best off" d'une comédie aussi célèbre qu'irrésistible. Il n'en est fort heureusement rien. Elle a réalisé son adaptation pour seulement sept comédiens qui ne ménagent pas leur énergie. Monsieur Petypon trouve au lendemain d'une soirée très arrosée une dame de petite vertu, appelée la môme crevette, dans son lit. Comme il est marié à une bigote et que surgit chez lui sans crier gare un oncle, général aux colonies, il n'en mène pas large. D'autant que sa compagne d'une nuit s'exprime rondement et sait tirer profit des situations les plus alarmantes. D'un tempérament nettement plus timoré et d'une duplicité infiniment plus grande Petypon est, lui, tout tourneboulé. Feydeau nous plonge, comme à son habitude, dans un monde en ébulition et brosse un peinture décapante de la dite bonne société. Multipliant les trouvailles Johanna Boyé mène son spectacle à un rythme constamment trépidant. Le jeu survitaminé des interprètes, parmi lesquels Florian Choquart, Vincent Viotti, Arnaud Dupont et Vanessa Cailhol, fait le reste. Cette représentation sans temps morts a tout pour plaire à un public essentiellement jeune que grise la vitesse. Jusqu'au 15 octobre Théâtre 13/Jardin tél 01 45 88 62 22