mercredi 29 mars 2017

Never, Never, Never de Dorothée Zumstein

Il ne fait plus de doute que l'écriture de Dorothée Zumstein est de celle qui nous aimante. On en avait le sentiment avec May Day mise en valeur il y a quelques semaines au théâtre de la Colline par la mise en scène foisonnante de Julie Duclos. On en a confirmation avec Never, Never, Never à laquelle Marie - Christine Mazzola, sortie récemment du Conservatoire National d'Art Dramatique a donnée la forme d'une épure. Une nuit alors qu'il va recevoir un titre prestigieux, Ted Hugh retrouve dans l'appartement londonien où il vécut avec elle Sylvia Plath qui, vingt ans plus tôt, mis fin à sa vie. Bien que la défunte en ait gros sur le coeur, il apparaît d'emblée que leurs amours ne sont pas mortes, que leurs liens sont irrévocables. Les souvenirs rappliquent tour à tour tendres et déchirants. Peu après surgit Assia Wevill pour qui Ted s'éloigna de Sylvia et dont les souffrances sont elles également encore à vif. Elle aussi se suicida. Avec leur enfant. En tentant de répondre aux phrases d'une gracieuse cruauté des fantômes qui le hantent, l'homme prend conscience qu'il affronte ses démons. C'est dans un décor spartiate, que se déroule ce huis -clos qui rappelle à chacun combien ceux qu'on a chéris et perdus restent présents en nous. Le charme que dégage la représentation doit beaucoup à ses trois interprètes. Si Assia (Tatiana Spivakova) apparaît, comme on la décrit, pleine de vie voire gavée de vie, Sylvia (Sarah Jane Sauvegrain) assure un relief mystérieux à la poétesse Sylvia. Quant à Thibault de Montalembert il donne à Ted, chez lequel se mêle la culpabilité,l'agacement et la nostalgie, un éclat irrésistible.Dorothée Zumstein qui s'est inspirée des vie de ces trois anciens humains arrive par la magnificence de ses mots à nous les rendre proches. Jusqu'au 1er avril Théâtre Studio, 16, rue Marcelin Berthelot, 94140 Alfortville Tél 01 43 76 86 56 . Du 11 au 15 avril Gare au Théâtre, 13, rue Pierre Sémard,94400 Vitry-sur-Seine Tél 01 55 53 22 26

lundi 27 mars 2017

Vera de Petr Zelenka

Plus la société est libérale moins elle est sociale. C'est ce que montre sans détours l'auteur dramatique et cinéaste tchèque Petr Zelenka dans Vera une comédie féroce dont se sont emparés Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier. Partie de rien, Vera a fondé sa propre entreprise, une agence de casting pour acteurs de cinéma et de télévision. Son succès lui donnant des ailes, elle accepte de faire fusionner sa société avec un puissant groupe anglais, ce qui, pense-t-elle, fera davantage encore fructifier ses affaires. Vis à vis des personnes qui subissent sa férule, elle se montre d'une dureté à tous crins. A ses proches, son mari, son père et son frère elle reproche de se situer à contre courant de leur temps. Elle est en revanche tout sourire face à ses associés britannique qui après l'avoir contrainte à balayer ses derniers scrupules s'en débarrasseront. Ce qui la fera partir en vrille. Karine Viard a, elle l'a maintes fois prouvé, du métier et de l'abattage à revendre. Elle est une Vera si convaincante que le rôle semble avoir été écrit pour elle. A ses côtés huit comédiens, dont Marcial Di Fonzo Bo - qui co-signe la mise en scène - et Pierre Maillet, qui donne une fois encore la mesure de son brio, jouent une trentaine de personnages. En d'autres mains la pièce apparaîtrait, comme les oeuvres théâtrales ou cinématographiques de Fassbinder auxquelles elle fait songer, d'une noirceur résolue. Le climat burlesque dans lequel les deux maîtres d'oeuvre la font baigner en atténue le tragique. Ils ont eu l'heureuse idée de demander à Pierre Notte, passé maître en matière de réparties incongrues et vachardes, d'assurer la version théâtrale de la pièce traduite par Alena Sluneckova. Jusqu'au 8 avril Théâtre des Abbesses tél 01 42 74 22 77

samedi 25 mars 2017

Mon coeur de et mis en scène par Pauline Bureau

L'affaire du médiator, ce coupe - faim, mis sur le marché par le laboratoire pharmaceutique Servier, qui coûta la santé et souvent la vie des personnes à qui leur médecin l'avait recommandé, a fait la une des médias. Cela grâce à la pugnacité d'Irêne Frachon, une femme médecin qui n'était, elle, pas de mèche avec les laboratoires. Bouleversée par l'état de ceux - surtout celles - qui avaient consommé ce médicament lequel s'était avéré être un poison, elle s'acharna à le faire interdire. Le combat fut long. Pauline Bureau a écrit l'histoire d'une femme - Claire Tabard- qui, comme la plupart des victimes, ne supportant pas de se trouver grosse avala la funeste molécule. Quelques années plus tard elle subit une opération à coeur ouvert à la suite de laquelle sa santé physique et aussi morale n'arrêta de se dégrader. Epaulée par un avocat guerroyeur, elle intenta un procès au laboratoire qui avait coutume d'examiner au plus prés et de trouver sans fondements les plaintes qui leur étaient adressées. Claire, dont la vie sociale, professionnelle et amoureuse étaient devenues inexistantes, fut dans un premier temps anéanties par le cynisme railleur des avocat de l'adversaire. Au sommet de sa maîtrise, Pauline Bureau a réalisé un spectacle prodigieux de simplicité et de limpidité. Le charme de l'interprétation (Catherine Vinatier, Marie Nicolle, Rebecca Finet et de leurs partenaires, tous à l'unisson) fait le reste. Jusqu'au 1er avril Théâtre des Bouffes du Nord tél O1 46 07 34 50

lundi 20 mars 2017

Je crois en un seul dieu de Stefano Massini

L'une est étudiante à l'université de Gaza et a, comme grands nombre de jeune palestiniens, le sentiment de mener une existence sans issue. Elle se prépare à devenir martyr. L'autre appartient à la gauche morale israélienne Elle enseigne l'histoire juive. Les opinions partisanes de certains élèves et collègues la hérissent. La troisième, une soldate américaine, considère que l'unité dont elle fait partie a un rôle de médiateur. Nouveau fleuron de la scène internationale, Stefano Massini se penche à travers ses pièces (Femme non-rééducable, Mémorandum théâtral sur Anna Politkovskaïa et de Chapitre de la chute, la saga des Lehman Brothers) sur les faiseurs et victimes des désastres de notre temps. Il se met cette fois à l'écoute des monologues intérieurs qui sans cesse s'entrecroisent des trois femmes dont la vie va basculer au cours d'un attentat qui se produira à Rishon LeZion dans les alentours de Tel Aviv. Dirigée avec discernement par Arnaud Meunier (qui a déjà brillamment mis en scène deux autres pièces de Massini), Rachida Brakni passe d'un personnage à l'autre et dévoile l'évolution de leur état d'esprit. Hantée par les violences exercée contre son peuple l'étudiante palestinienne se fait embrigader et découvre la féroce complexité de son engagement. Le séisme intime que provoque en elle l'attentat dont elle est témoin donne à l'enseignante israélienne le sentiment d'être devenue étrangère à elle-même. Ce qu'elle peut vérifier lorsque l'un de ses collègues, par ailleurs homme aux vastes connaissances, se laisse aller à des propos immondes et qu'elle ne s'insurge pas. A l'exemple de celle de Pasolini, l'oeuvre de Stefano Massini est aussi poétique que politique. Ce que soulignent la mise en scène d'Arnaud Meunier, les lumières de Nicolas Marie et le jeu de Rachida Brakni. Jusqu'au 9 avril Théâtre du Rond-Point tél 01 44 95 98 21

lundi 13 mars 2017

L'indigent philosophe de Marivaux

La soixantedizaine flamboyante, Claude Brasseur interprète aux côté d'une jeune violoncelliste un monologue méconnu de Marivaux. L'homme né dans une famille de la haute a claqué son copieux héritage et s'en est allé sur les routes. S'accommodant de peu et doué d'une gaîté inépuisable, il a fait quantité de rencontres et de petits métiers. Il a fini par se joindre à une poignée de saltimbanques parmi lesquels il vit en harmonie. En écrivant ce texte succulent, Marivaux signifie l'importance qu'ont eu sur lui les philosophes des Lumières. On lui savait la pensée large. Il frôle cette fois l'insolence libertaire. L'écriture pétillante du grand auteur dramatique convient on ne peut mieux à Claude Brasseur que dirige Christophe Lidon. Le voir pourfendre le monde dont il est issu, vanter les délices d'une vie aventureuse et évidement sans le sou et l'entendre dire qu'il est toujours prêt à se lier pour la vie ou quelques heures avec une belle met en joie. On ne peut que conseiller d'aller voir ce spectacle qui ne dure qu'une heure où Claude Brasseur retrouve un personnage de la veine et de la fraîcheur de celui qu'il jouait en 1964 aux côtés d'Anna Karina et de Sami Frey dans Bande à part d'un Jean-Luc Godard qui en ce temps avait le bon goût d'adorer les chenapans. Jusqu'au 1er Avril Théâtre de l'Atelier tél O1 46 06 49 24

vendredi 10 mars 2017

Timon d'Athènes de William Shakespeare

Avant de se retrouver aux extrêmes marges de la société Timon était un personnage éminent qui distribuait sans compter présents et argent à ses amis. Quand il s'est retrouvé criblé de dettes et que s'en fut fini de son existence dorée, il eût la surprise de constater que ceux qui avaient bénéficier de ses bienfaits avaient tourner casaque. Ces revirements lui firent comprendre qu'il s'était acoquiné avec des gens que les scrupules moraux n'étouffaient pas. Il écume désormais de haine, agonit d'injures ceux qui l'approchent. La pièce de Shakespeare tourne autour d'un personnage unique.Ceux qui l'entourent ne sont que des comparses.Fort heureusement le metteur en scène Cyril le Grix a choisi pour camper Timon d'Athènes Patrick Catalifo, un comédien qui non seulement a du coffre mais est surtout d'une justesse confondante. Grâce à lui et à la traduction parsemée de superbes éclats de Jean-Claude Carrière le spectacle mérite la découverte. Jusqu'au 2 avril Théâtre de la Tempête tél 01 43 28 36 36

jeudi 2 mars 2017

Un amour impossible d'après le roman de Christine Angot.

Christine Angot a elle même adapté pour la scène, dont elle est une fervente, Un amour impossible, son dernier ouvrage. Célie Pauthe qui assure la mise en scène a eu l'heureuse idée de faire incarner la mère et la fille dont la relation au départ intense se délite et finit par se renouer par ces ces comédiennes d'exception que sont Bulle Ogier et Maria de Medeiros. Cette dernière n'a pas la tâche facile puisqu'elle joue au début une enfant plus tard une femme dans la force de l'âge. Le décor est sommaire, la situation épineuse. Elevée par sa mère, Christine ne fait la connaissance de son père qu'à la pré-adolescence. Lors de leur première rencontre la force du verbe et l'érudition de son géniteur l'éblouissent, lui en imposent.Elle revient de leurs rendez-vous suivants nettement moins enthousiaste. Le père, qui a fondé une famille, n'a de cesse de lui reprocher ses maladresses, ses oublis, sa mauvaise éducation. Lorsque plus plus tard elle apprend que l'homme qu'elle a aimé abuse de leur fille une infection oblige la mère à se faire hospitaliser.Crispée sur sa douleur, Christine ne supporte plus de ne pouvoir échanger que des paroles insipides avec celle qui l'a mise au monde et semble avoir mis ses souvenirs à distance. Viendra la minute de vérité où Christine comprend et fait entendre à sa mère qu'à travers la fille c'est la mère issue d'un milieu pauvre et de surcroit juive que l'homme, grand bourgeois, s'acharnait à humilier. Comme le livre le spectacle nous empoigne. Odéon-Ateliers Berthier tél 01 44 85 40 40