lundi 29 juin 2015

Le mariage de Maria Braun de Rainer Werner Fassbinder

La représentation s'ouvre sur quelques documents filmés au temps où des foules adulaient le führer et croyaient au triomphe de la race des seigneurs. Maria épouse le soldat Braun envoyé presque illico sur le front. Dont il ne revient pas Pour parvenir à nouer les deux bouts dans l'Allemagne post nazie la jeune femme, qui vit avec sa mère, est entraineuse dans un bar. Le retour inattendu de son bien aimé mari va bouleverser ses plans.Pas pour longtemps. Un homme d'affaire épris d'elle l'engage dans son entreprise. Elle y fait preuve d'un zèle carnassier. Devenue experte en acrobaties financières, elle se définit elle même comme la Mata Hari du miracle économique. Mais cette femme dont la sensibilité semble anesthésiée ne vit que dans l'espoir de partager enfin la vie de son conjoint parti au loin. Une fois de plus le classicisme de la mise en scènes de Thomas Ostermeier fait merveille. Alors que Fassbinder (dont il porte à la scène le scénario de l'un de ses films les plus fameux) ) éprouvait une haine qu'il ne cherchait pas à contenir à l'égard de la génération qui vécut sous le régime hitlérien et retrouva la prospérité dès les années soixante,on ne discerne rien de semblable dans le spectacle. Les personnages - interprètes par quatre comédiens qui se glissent tantôt dans des peaux d'hommes tantôt dans des habits féminins - s'ils ne sont en rien vertueux ne ressemblent pas non plus aux monstres qui peuplent les oeuvres de Fassbinder.On suppose que si Ostermeyer a porté son choix sur ce Mariage de Marie Braun c'est que son ultra lucide auteur y prophétisait l'individualisme conquérant qui est la marque de notre époque Jusqu'au 3 juillet Théâtre de la ville tel 01 42 74 22 77

jeudi 25 juin 2015

Les inséparables d'après Colas Gutman

La séparation de leurs parents ne plaît pas mais alors pas du tout à Simon et à Delphine, sa grande soeur. Aussi se font-ils fort d'à nouveau les réunir. Quand ils apprennent que leur papa a une amoureuse, ils décident d'agir. La nouvelle compagne du paternel a deux enfants du même âge qu'eux. Auxquels les deux polissons vont tenter d'en faire voir de toutes les couleurs. Mais leurs provocations à deux balles n'auront pas l'effet escompté. Adapté du roman de l'excellent écrivain pour la jeunesse Colas Gutman (auteur du célèbre"Chien pourri")qui observe ici à la loupe et avec attendrissement et humour une famille recomposée, le spectacle mis en scène par Léna Bréban est un festival de situations farcesques. Elle a trouvé avec Jean-Luc Chanonat, responsable des lumières et Julie Deljehier qui a conçu les costumes, des appuis précieux. Les quatre comédiens (Laure Calamy, Julie Pilod, Rachel Arditi et Alexandre Zambeaux), pour leur part, ne ménagent pas leur savoir faire lequel est aussi impressionnant que désopilant. C'est sans hésitations que l'on conseille ce spectacle "jeune public" où la fantaisie gouverne et dont la langue est tout bonnement truculente. Jusqu'au 12 juillet Théâtre Paris-Villette tel 01 40 03 72 23 theatre-paris-vilette.fr (les horaires étant variés il est conseillé de prendre des informations)

samedi 13 juin 2015

Un amour qui n'en finit pas d'André Roussin

On croyait le charme des pièces d'André Roussin bien décati. Il a fallu l'intelligence rouée du metteur en scène et comédien Michel Fau pour qu'il opère à nouveau. Alors qu'il prend les eaux dans une station thermale Jean, un industriel, s'éprend d'un amour absolu pour Juliette, une femme mariée et amoureuse de son époux. Qu'à cela ne tienne l'ennamouré, par ailleurs mari souvent volage, ne désire pas que l'objet de sa flamme partage sa passion. Cette utopie sentimentale va provoquer des situations alarmantes. Alors qu'il est d'usage dans le théâtre de boulevard qu'un canapé occupe la scène, il est ici bien présent mais coupé en deux afin qu'on ait l'illusion de se trouver tour à tour ou en même temps sur les lieux où vit chacun des couples. Rentré chez lui, Jean nage dans le bonheur. Mais un bonheur n'étant jamais sans mélange, il lui faut, d'abord patiemment ensuite les nerfs en pelotes, répondre aux questions faussement innocentes de Germaine, sa moitié. Michel Fau, toujours au bord de l'effet mais n'y cédant jamais, et Léa Drucker forment un duo particulièrement savoureux. Les deux interprètes se renvoyant la balle avec une maîtrise succulente on ne sait trop qui manipule qui... Grace à eux cette pièce avouons le, plutôt désuète, apparaît d'un humour décapant. Comme on pouvait s'y attendre le second couple découvre, lui, les joies de la prise de bec. La pirouette finale est, quant à elle, carrément exquise. L'Oeuvre tel 01 44 53 88 88

vendredi 5 juin 2015

Les heures souterraines de Delphine De Vigan

De nos jours il ne fait pas bon prendre de l'ancienneté. C'est ce que constate Mathilde, 45 ans, qui, après avoir été la femme de confiance de son patron est devenue sa bête noire. Les petites humiliations se multiplient. Broyée par le système ,comme le sont actuellement un nombre croissant de cadres, elle frise la dépression. Assurée que la situation ne peut aller qu'en se dégradant, elle trouve le moyen d'échapper à la pression exercée sur elle. Thibaut est, pour sa part, un médecin appelé en consultation chez des personnes le plus souvent au bout du rouleau. Menant une vie personnelle peu affriolante puisqu'il ne se sent pas le moins du monde aimé par celle qu'il chérit, il décide de rompre. Ce qui ne semble pas affecter l'objet de sa passion. La romancière Delphine de Vigan s'attache à deux êtres auxquels le sort ne semble guère favorable. Mais loin d'avoir l'esprit défaitiste, elle souligne que les interventions du toubib peuvent se révéler bénéfiques et que la responsable en communication si durement maltraitée a les moyens de ne pas se laisser anéantir. Entourés d'artistes- techniciens - qui ont tous trois collaboré aux mises en scène de Joel Pommerat - tels que le vidéaste Renaud Rubiano, l'éclairagiste Eric Soyer et François Leymarie dont le travail sur le son est celui d'un maître - les comédiens, Anne Loiret (qui a par ailleurs réalisé l'adaptation pour la scène du roman) et Thierry Frémont, dirigés avec tact par Anne Kessler, ont des présences qui en imposent de bien singulière et attachante façon. Théâtre de Paris - Salle Réjane tel 01 42 80 01 81

lundi 1 juin 2015

On ne se mentira jamais de Eric Assous

Des années que l'écrivain de théâtre Eric Assous et le comédien - metteur en scène Jean-Luc Moreau forment un tandem à succès. Fanny Cottençon les a cette fois rejoins. Les deux interprètes forment un couple qui, mine de rien, affronte l'épreuve du temps. Un incident banal va leur faire saisir que leurs entente peut à tous instants voler en éclats. Marianne croit comprendre que son cher et tendre n'est pas aussi détaché qu'il l'affirme d'une amante de jeunesse. Ses questions et ses allégations semblent friser l'acharnement Les réponses dénuées d'émotion de son compagnon devraient l'apaiser. Il n'en est rien. C'est que monsieur, comme elle s'en rend compte, est passé maître dans l'art de l'esquive. L'auteur a tissé sa pièce avec une habileté jubilatoire. On l'imagine se tendant des pièges qu'il trouve constamment le moyen de déjouer et prenant des virages qui jamais ne le mènent dans le mur. Il a trouvé en Fanny Cottençon et Jean-Luc Moreau des complices bigrement avertis. Théâtre La Bruyèretel tel 01 48 74 76 99