mercredi 29 octobre 2014

La dispute.com d'après Marivaux

De la détermination, Serge Sandor en a à revendre. Voilà des années qu'il met en scène des spectacles avec des détenus, des habitants de bidonvilles ou, comme c'est le cas cette fois-ci, avec des jeunes placés sur décision judiciaire dans des foyers parce qu'ils ont des parents défaillants, parfois maltraitants. L'idée de s'attaquer avec eux - qui ont grandi dans des familles ou des institutions où l'on se rentre constamment dans le chou - à la pièce de Marivaux qui a pour titre "La dispute" était particulièrement judicieuse. Assaisonné de phrases écrites par ces pré-ados qui souffrent pour la plupart de troubles du comportement le texte devient vibrant de sincérité. Il détaille, on s'en souvient peut être, la découverte du sentiment amoureux de quatre enfants, deux filles et deux garçons, qui n'ont à l'exception de ceux qui les nourrissent jamais croisé âme qui vive. Il leur suffit d'être soudain mis en présence d'un môme de leur âge pour s'emballer... Le spectateur est, lui, touché au vif quand l'un ou l'autre des participants de l'aventure artistique vient lire ou chanter un poème par lui écrit. Ce qui est notamment vrai avec le gosse qui lit face public un texte destiné à sa mère qui se termine par "Avec le temps et le vent de la vie, je me suis mis à courir après ton sourire". La vertu primordiale de ce spectacle est évidement de permettre à de très jeunes gens dont la vie a jusque'à présent été pour le moins rugueuse de se sentir valorisé. Il faut à une époque où les budgets fondent empêcher comme le font Serge Sandor et ceux, nombreux, qui lui prêtent main forte, qu'ils aillent grossir les rangs déjà si encombrés des exclus. Jusqu'au 31 octobre Théâtre de la tempête tel 01 43 28 36 36 Les 14 et 15 novembre au Marché couvert d'Avallon le 5 décembre Maison de la Culture de Nevers.

jeudi 16 octobre 2014

Notre Faust

Quand Méphisto, dont l'allure ne fait en rien songer à celle d'un agent des ténèbres, propose à Faust, un trentenaire bien d'aujourd'hui, de faire affaire avec lui, ce dernier ne se fait pas longtemps prier. Et ses désirs les plus légitimes comme les plus inavouables d'être comblés. Partant du conte populaire germanique auxquels Marlowe et Goethe ont donné des lettres de noblesse, quelques artistes (notamment Noelle Renaude, Liliane Giraudon, Nicolas Doutey, Stephane Bouquet), réunis autour du metteur en scène Robert Cantarella, ont laissé leur imagination se déployer. Le résultat est une série en cinq épisodes dont chacun peut être vu séparément. Disons le d'emblée : le spectacle qui oscille entre théâtre, projection, acrobatie, concert..., est d'une fraîcheur enivrante.Cela grâce à un texte qui abonde en digressions, est en perpétuel mouvement (il se transforme au cours des répétitions) et offre une vision de la société et en particulier de la famille qui bat en brèche les idées courantes. Théâtre Ouvert ne pouvait mieux choisir pour débuter sa nouvelle vie (il a changé de direction) que ce feuilleton à plusieurs mains mis en chantier par un homme aussi adepte d'écritures nouvelles et du mélange des genres que Cantarella. A une époque où les "brûlots" de Vincent Macaigne (ses audaces consistent à dynamiter des textes d'un force torrentielle) apparaissent aux yeux de beaucoup comme des blocs de modernité, découvrir une création telle que Notre Faust permet de se dire que tout n'est pas perdu. Jusqu'au 25 Octobre Théâtre Ouvert tel 01 42 55 55 50

dimanche 12 octobre 2014

Les particules élémentaires de Michel Houellebecq

Michel Houellebecq est en pétard avec son temps. Plus que dans ses autres romans il se livre dans "Les particules élémentaires" à un diagnostic sévère sur un monde qui court à sa perte. A travers les parcours de deux demi frères,un jouisseur et un homme de sciences, il martèle combien l'époque est anxiogène et la chair triste. Enthousiasmé par ce roman rapidement devenu phare, le jeune Julien Gosselin y va de tout son talent de metteur en scène et le fait raconter par une troupe de comédiens qu'il dirige à merveille. Munis d'un micro qui rend souvent leur voix tonnantes, ces jeunes acteurs - soutenus par des musiciens qui jouent en live - décrivent des personnages aux vies vouées à l'échec. Dans le dossier de presse Julien Gosselin insiste sur l'ironie qui caractérise les écrits de Houellebecq. On peut aussi y discerner beaucoup de complaisance. Notamment lorsqu'il décrit de manière appuyée des vacances qui ressemblent à celles des Bronzés ou quand il évoque le tourisme sexuel. Si rire il y'a, celui-ci a tôt fait de virer jaune. Comme les interprètes s'adressent au public celui-ci a le sentiment d'être le miroir des hommes et femmes croqués par l'écrivain. Situation qu'on peut ne pas trouver à son goût... D'autant que les anciens soixante-huitards, qui ont mal vécu la déroute des idées révolutionnaires comme leurs contemporains surnommés les babas, sont caricaturés jusqu'au ridicule. La mesure n'a, il est vrai, jamais été le fort de cet auteur. Là où on ne ne peut que saluer l'esprit aiguisé de Houellebecq est lorsqu'il souligne que le sentiment tragique de la mort est aujourd'hui remplacé par celui plus flasque du vieillissement. Pour ce qui est de Julien Gosselin, devenu son porte voix, il ne semble pas faire un doute qu'il a le talent si solide qu'il peut à présent se mesurer à des oeuvres romancées d'une singularité plus époustouflante que celle de notre actuelle gloire nationale. Dans le cadre du festival d'automne Jusqu'au 14 novembre Odéon-Ateliers Berthier tel 01 44 85 40 40

dimanche 5 octobre 2014

Yvonne, princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz

Grand pourfendeur du confort moral, Witold Gombrowicz n'ignorait rien de ses pulsions les moins avouables. Et s'attacha, tout au long de son oeuvre romanesque et théâtrale, à des personnages qui regardent les autres non comme des semblables mais avec la curiosité de l'entomologiste. Yvonne, princesse de Bourgogne débute dans le climat onctueux d'une cour royale composée du roi Ignace, de la reine Marguerite et du prince Philippe . Les hommes ont chacun une âme damnée, complice de leurs méfaits alors que la reine plus solitaire a pour tout entourage des suivantes dont les rires n'arrêtent de fuser. Histoire de tromper son ennui, le prince jette son dévolu sur Yvonne, un laideron apathique à qui il dit tout de go "Quand on vous voit, il vous vient des envies de se servir de vous, de vous tenir en laisse et de vous botter le train..." C'est cette femme on ne peut plus disgracieuse qu'il annonce avoir choisi pour épouse à ses illustres parents. Découvrant le sentiment euphorisant qu'avec une personne aussi démunie qu'Yvonne tout est permis, le prince donne libre cours à son sadisme. La reine - qui épanche son mal être en écrivant dans ses carnets intimes des poèmes débordant d'auto-apitoiement - a le sentiment que la future de son fils exhibe par sa seule présence le ridicule de ces écrits. Il devient bientôt pour tous clair qu'il faut au plus vite machiner un mauvais coups qui permettra de se débarrasser d'Yvonne, reflet d'une société défaillante. Yvonne, princesse de Bourgogne n'a jamais été montée en France que sous le ton d'une farce. Il n'en va pas de même avec la mise en scène de Jacques Vincey dont le spectacle est tour à tour glaçant et d'un burlesque échevelé.Comme on a déjà pu le remarquer quand il s'attaqua au Belvédère de von Horvath, aux Bonnes de Genêt ou à Madame de Sade de Mishima, ce metteur en scène - à qui Aurélie Filipeti à eu l'heureuse idée de confier le sort du Centre dramatique régional de Tours - sait traduire, comme peu y parviennent, le sentiment d'enfermement dans leurs misérables tas de névroses qui est le propre des personnages nés sous la plume de la plupart des authentiques auteurs du XXe siècle. Une distribution particulièrement bien choisie (qui comprend Hélène Alexandridis, Alain Fromager, Jacques Verzier et les jeunes Thomas Gonzalez et Marie Rémond) font de de ce spectacle le plus réjouissant de la rentrée. Jusqu'au 11 octobre Théâtre Olympia Centre dramatique régional de Tours tel 02 47 64 50 50 les 15 et 16 oct CDN Thionville-Lorraine tel 03 82 82 14 92 4 au 7 nov Nouveau Théâtre d'Angers tel 02 44 01 22 44 12 au 14 nov Comédie de Béthune 03 21 63 29 19 Du 18 au 30 nov Théâtre 71 Scéne Nationale - Malakoff 01 55 48 91 00 du 3 au 7 déc Théâtre National de Bordeaux 05 56 33 36 80