dimanche 17 novembre 2013

Le tigre bleu de l'Euphrate de Laurent Gaudé

Directeur depuis 9 ans de la Comédie de Béthune, Thierry Roisin y a créé des spectacles d'une bluffante qualité. Lesquels ont été peu vus car à l'inverse de beaucoup de ses confrères il a refusé de programmer des spectacles d'autres artistes à la tête d'une institution afin d'être à son tour reçu dans leurs murs... Avant de céder la place à Cécile Bakès il signe la mise en scène d'un monologue écrit  par un Laurent Gaudé particulièrement inspiré.

Sur le point de rendre son dernier souffle, Alexandre le Grand s'adresse à une ombre. Et celui qui construisit un empire qui s'étendit de la Macédoine aux confins des Indes d'accomplir un voyage au bout de lui-même.  Visage aussi impassible que celui d'un maître Zen, Frédéric Leidgens impose un Alexandre fascinant. Il ne quitte son masque placide que lorsqu'il imite les traits hideux de deux hommes à qui il fit payer cher leur odieuse conduite. Son parcours fut parcouru d'élans de violence. Le moment est venu de soulager sa mémoire, de se souvenir de la répression sans quartier qu'il exerça sur les habitants des villes qui résistaient à ses armées. Il se remémore aussi avoir fait fuir Darius qui régnait sur Babylone et qu'une fois installé dans son palais, dont le raffinement le subjugua, s'être surpris à considéré le vaincu comme son jumeau. A maintes reprises, Alexandre voit surgir un tigre bleu dont il tente de suivre la trace. C'est cette chimère qui l'incite à toujours aller de l'avant.

Laurent Gaudé voit visiblement en Alexandre un conquérant qui fit se rencontrer les cultures grecques et perses. C'est pour cette raison qu'il peut dire au dieu des morts dont il tente de discerner la physionomie : je n'ai pas besoin de toi pour être immortel, je me suis occupé de cela....
Cette adresse à l'insaisissable a pour cadre un espace lumineux (conçu avec une élégance extrême par Olga Karpinsky)  qui évoque certaines scènes orientales. Une façon de poursuivre le croisement des civilisations qui est aux antipodes de ce nivellement qu'on appelle la mondialisation.

Jusqu'au 23 novembre Comédie de Béthune tel 03 21 63 29 19
Les 18 et 19 décembre Théâtre d'Arras 

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