jeudi 30 mai 2013

Quand je pense qu'on va vieillir ensemble

Voici plusieurs années que le collectif Chien de Navarre que dirige Jean-Christophe Meurisse épate la galerie. Ses spectacle restent le plus souvent joué peu de temps dans une salle. Averti du  succès que rencontre la troupe  Le théâtre des  Bouffes du nord a accueilli sa dernière création "Quand je pense qu'on va vieillir ensemble" pour une durée plus longue. Et le triomphe  fut au rendez-vous.
Les premières séquences sont, de fait, on ne peut plus divertissantes. Entretiens d'embauche et castings en tous genres où des disons responsables d'un entrain exaspérant mettent à mal des candidats d'une maladresse désarmante. Alors qu'ils les acculent dans les cordes, les embaucheurs  coulent  fortes sourires à des bonshommes et bonnes femmes à la recherche frénétique d'emploi.  Il leur arrive, qui s'en étonnera?, d'exercer sur eux un sadisme à peine déguisé. Tout cela serait désopilant si les  sans emplois n'étaient  aujourd'hui pas réellement contraint de courber l'échine devant ceux qui sont censés les sortir de la mouise. Le rire que provoque ces scènes est donc souvent crispé.
Les comédiens pour la plupart s'autodirigent. Les répliques qui fusent changent d'une représentation à l'autre. Et sont quelquefois extrêmement drôles. On déplore néanmoins que le  maître d'oeuvre n'ait pas sabrer quelques scènes dans la dernière partie. Les moments où un comédien (par ailleurs doué d'un extraordinaire don de présence ) joue avec son sexe sous l'oeil étonné et gourmand d'une partenaire, elle aussi, comme elle l'a montré par ailleurs interprète de qualité, sont d'une longueur assez lassante
Du 19 au 21 août Festival d'Aurillac
Les 10 et 11 octobre Théâtre du Gymnase Marseille
Une foule de dates suivront

samedi 11 mai 2013

Oblomov de Ivan Alexandrovitch Gontcharov

Oblomov, descendant d'une famille de la noblesse russe mène une existence  retranchée, on pourrait même carrément dire assoupie.Il passe, c'est vrai, le plus clair de son temps  réfugié dans le sommeil. Ses songes le ramènent à Oblomovska, la maison de son enfance dont  le metteur en scène Volodia Serre a eu l'heureuse idée de faire découvrir l'aspect cossu et les proportions appréciables dans un film vidéo projeté en fond de scène. Zakhar qu'il appelle dès qu'il ouvre l'oeil est sa seule compagnie, son souffre douleur mais surtout une sorte de nounou qui est à ses côtés depuis qu'il est né. Ces deux hommes qui ne cessent de s'asticoter visiblement s'adorent.  Stolz, un ami de jeunesse, venu rendre visite à Oblomov va employer toute son énergie qu'il a importante à tenter de le ragaillardiser. On apprend ainsi qu'avant de vivre étendu sur son canapé rideaux tirés le bonhomme débordait de vitalité.

A Stolz, incarnation de l'homme nouveau, qui lui vante les vertus d'une vie hyper-active, Oblomov n'a aucun mal à lui en démontrer l'inanité. Cette discussion raisonne avec une singulière force à une époque, comme la nôtre, où l'impératif de réussir  a pris des proportions si effarantes. Seule le fera sortir de son inertie résolue et lui mettra le coeur à vif, l'apparition de Olga Sereïevna. Entonnant d'une voix qui lui met les larmes aux yeux Casta diva, sublime aria tiré de la Norma de Bellini, la jeune fille lui apparaît, - comme le personnage de l'opéra - capable  d'adoucir ses tourments. Ce qui est évidement démesuré.

Créée par Ivan Alexandrovitch Gontcharov (1812 -1891) le contre - héros  Oblomov est devenu une figure incontournable de la littérature russe, une sorte d'incarnation de ce que l'on appelle l'âme slave. Comme le feront les personnages de Tchekhov (qui avait pour son aîné une immense admiration) Oblomov rêve davantage sa vie qu'il ne la vit. On se souvient que les Trois soeurs rêvent d'un Moscou qui n'existe que dans leurs souvenirs.

Volodia Serre a su pousser les comédiens au meilleur d'eux-mêmes. Guillaume Gallienne impose un Oblomov d'une saveur exceptionnelle. Son jeu aux ruptures toutes en finesse est celui d'un immense interprète.  Yves Gasc, revenu jouer au Français dont il fut l'un des acteurs phares, compose un Zakhar d'une truculence égale à celle de son "maître". Quant à Marie - Sophie Ferdane, qui a la tâche difficile de jouer une femme de rêve mais aussi un être d'une implacable lucidité, elle est d'une prestance qui ne peut s'oublier.

Jusqu'au 9 juin Théâtre du Vieux Colombier tel 01 44 39 87 00/01

mercredi 1 mai 2013

Iphis et Iante d'Isaac de Benserade

Créé en 1634 à l'Hôtel de Bourgogne érigé à l'initiative du peu saint homme mais esprit puissant qu'était Richelieu, Iphis et Iante est l'une des quatre pièces que fourbit à 24 ans Isaac de Benserade qui devint  ensuite poète et rentra à l'académie française. Mis au courant de l'existence de cette oeuvre écrite alors que Corneille faisait ses gammes, par des spécialistes du théâtre des débuts du 17e siècle, Jean-Pierre Vincent prit avec d'autant de plaisir l'initiative de la mettre en scène qu'elle pouvait être jugée malséante.
Jugez en : née fille alors que son père voulait à tout prix un garçon Iphis grandit déguisée par les soins de sa mère en garçon. Son cas se corse quand à l'adolescence le pseudo jeune homme s'éprend de l'avenante Iante. Laquelle trouve la situation à son goût.

Balançant constamment entre la comédie de moeurs et le drame fantastique le texte fourmille de retournements de situations. D'autant que pantelant d'amour un jouvenceau prénommé Ergaste poursuit Iphis de ses assiduités... Joué avec malice  par des comédiens aguerris tels que Charlie Nelson et Eric Frey et des acteurs récemment sortis de l'école du Théâtre National de Stasbourg, le spectacle bénéficie aussi des talents de Bernard Chartreux et de Jean-Paul Chambas fidèles dramaturges et scénographes des créations de Jean-Pierre Vincent Si la pièce, à en croire le metteur en scène se perdait parfois en afféteries, il a eu l'ingénieuse idée de lui donner quelques coups de rabots. Le résultat est savoureux. Il ne plaira, on s'en doute, que médiocrement aux culs bénis qui viennent de faire des leurs.

On imagine sans mal combien le maître d'oeuvre s'est plu à montrer que transformée par les soins d'une déesse en mâle Iphis fait montre d'une vanité confiante annonciatrice d'un machisme décomplexé (un terme dont  certains hommes politiques se gobergent si volontiers)
Jusqu'au 6 mai Théâtre Gérard Philipe tel 01 48 13 70 00