jeudi 29 novembre 2012

En v'la une drôle d'affaire

Nathalie Joly a été bien inspirée de commencer le tour de chant qu'elle consacre à Yvette Guilbert, immense chanteuse d'avant-guerre, par L'éternel féminin" de Jules Laforgue que l'artiste mit elle même en musique. Icône de la féminité avant que cette expression ne soit en vogue, la dame traça son chemin dans des conditions hasardeuses. Ses débuts, elle les fit au Chat noir, caf 'conc des Grands Boulevards où son répertoire d'une cocasserie suavement coquine était grandement apprécié.
De graves revers de santé l'éloignèrent de la scène. La solitude dans laquelle elle se retrouva la poussa à changer de cap. Exilée durant plusieurs années aux Etats Unis, elle y fonda une école de chants pour jeunes talents désargentés. Et plus décisif : exhuma des centaines de chansons médiévales dont elle se fit l'interprète. Saisie par une soif inextinguible de transcendance elle se mit aussi à l'étude du Nouveau Testament. Pas étonnant que les chants de cette époque, où la passion apparaît comme le thème central, souvent se fassent prières.
Elle n'en resta pas moins fidèle à son humour laconique et rencontra à nouveau le succès.  Douée d'une voix tour à tour enveloppante, grinçante ou de gorge, Nathalie Joly est la passeuse idéale de ces oeuvre dissemblables. Parmi les chansons qu'elle a réunies  on reste surtout sous le charme de "La pocharde", où elle décrit un personnage qui tient à la fois de Zola et de Feydeau, et de "La morphine" dans laquelle elle évoque ces femmes, souvent disciples de Lesbos, toute au bonheur d'avoir découvert des plaisirs inédits. Enrichi par la présence au piano de Jean-Pierre Gesbert - qui lance de temps à autre de piquantes répliques -ce spectacle est un délice. Qui doit beaucoup à la mise en scène d'une fieffée fantaisie de Jacques Verzier.
Jusqu'au 31 décembre Vieille Grille tel 01 47 07 22 11

lundi 26 novembre 2012

J'ai 20 ans qu'est ce qui m'attend

Ils sont cinq auteurs, François Bégaudeau, Arnaud Cathrine, Aurélie Filipetti, Maylis de Kerangal et Joy Sorman qui à partir de témoignages de garçons et filles de vingt ans ont écrit des scènes de la vie de  quelques représentants de la génération qu'on disait, il y a peu encore, montante et qui est aujourd'hui victime des convulsions répétées de la crise.
Ces aperçus sur  ces existences précaires s'imbriquent à merveille.  Exception peut être faite d'une apprentie mécanicienne, les  jeunes gens - qu'incarnent des comédiens si convaincants qu'on on ne peut  écrire qu'ils sont en devenir -   semblent tous issus de couches non défavorisées de la société. Ce qui ne les empêche pas de "ramer" Beaucoup vivent en co-location et se cherchent à la moindre occasion des crosses. La peur de se faire pigeonner les rend souvent d'une inébranlable dureté. Qu'ils aient poussé fort avant leurs études ne leur réserve pas davantage qu'aux sans diplôme les faveurs de la chance.
La partie à la fois la plus hilarante et désespérée de cette production -qui donne raison à Paul Nizan qui écrivit "je ne laisserai personne dire que 20 ans est le plus bel âge de la vie" - a trait aux stages bidons offerts par les entreprises. Un gars fait ses premier pas dans ce qu'on appelle la vie active. Il est initié à ses fonctions par une fille qui se révèle, comme lui, stagiaire non payée. Elle appelle à la rescousse un collègue aussi mal traité qu'eux par l'employeur. Lequel a eu la riche idée d'appeler tous les garçons Stéphane, toutes les filles Stéphanie. Ils est vrai qu'ils baignent tous dans le noir de leur temps. Histoire de  se consoler chacun dit à propos de sa situation : ça fait une expérience.  En oubliant que ladite expérience est tout sauf épanouissante.
L'opération lancée par les cinq artistes qui usent d'un langage estampillé jeune est une réussite. Elle fait entre autres le constat que dans le monde laissé en héritage aux jeunes pousses les utopies brillent par leur absence;
Jusqu'au 8 décembre Théâtre Ouvert tel 01 42 55 35 50

vendredi 23 novembre 2012

Tout un homme de Jean-Paul Wenzel

Auteur dramatique et metteur en scène de la plus belle eau, Jean-Paul Wenzel a toujours eu la fibre sociale. Il a, cette fois, demandé à des mineur maghrébins arrivés dans le bassin houiller de Lorraine, il y un demi siècle, de retracer leur parcours. Il s'est, pour ce spectacle en deux volets, essentiellement attaché aux récits que lui ont fait Ahmed (Hamou Graïa, immense comédien), qui quitta la Kabylie à 16 ans, et la paire d'amis que forment  Saïd et Omar venus, eux, du sud marocain.
Dans les eaux tumultueuses de leur mémoire flottent les souvenirs d'une arrivée enthousiaste pour l'un, lourde d'humiliations pour les deux autres. Mais ils se souviennent aussi de l'esprit de solidarité qui régnait parmi les mineurs de fond. Mais à la réflexion, et sur les insistances de leurs enfants,  ils leur faut reconnaître qu'ils ne furent pas toujours aussi bien accueillis par leurs compagnons de peine qu'ils se le racontent.
Tous trois ont épousés des filles choisies par leur mère. Jamais ces hommes pudiques n'évoquent le désarroi sexuel dans lequel il leur fallu, avant ces noces, longtemps vivre. Le pays d'origine leur était - tant qu'ils trimaient - devenu une terre étrangère. Ce qu'il cessa d'être quand, pour ce qui est du boulot, ils eurent fait leur temps. Mais leurs épouses se sont si bien faites à l'environnement  lorrain qu'elles refusent de retourner au "bled" Au cours d'une scène estomaquante l'une d'entre elle qui se retrouve dans le village natal de son mari veut y faire quelques pas. Les hommes qu'elle croise l'insultent. Sidérée, blessée, égarée elle part marcher sans but dans la montagne accompagnée de petits dont elle avait la garde.
Une maladie foudroyante emportera l'une de ces femmes. Son mari est effondré. Mais après les 40 jours de deuil dictés par la tradition, il convolera avec une jeunesse rencontrée au pays. La plupart des enfants de ces exilés trouvent leur société d'origine trop contraignante. L'un d'entre eux qui a tenté le retour sur les terres ancestrales déchantera vite mais essayera de trouver des réponses à ses interrogations dans le Coran.
Des musiciens qui occupent le fond de scène contribuent à plusieurs reprises à mettre les personnages en liesse. Humeur que partage volontiers les spectateurs  de tous âges.
Jusqu'au 9 décembre Théâtre Nanterre-Amandiers tel 01 46 14 70 00

mercredi 21 novembre 2012

Nouveau Roman de Christophe Honoré

Pour peu qu'on ait la passion  de la littérature ce spectacle, qui met en scène l'éditeur Jérôme Lindon et les écrivains qu'avec un flair infaillible  il  avait rassemblé sous sa bannière, ne peut que charmer.  D'autant qu'il balance entre la drôlerie et le sérieux. Il est évidement piquant de voir ces grands noms que sont Claude Simon, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, Robert Pinget, Alain Robbe - Grillet, Michel Butor qui, à en croire les médias, appartenaient tous à un même cénacle baptisé le Nouveau Roman, se gausser les uns des autres.  Ces auteurs n'ont, on s'en doute, pas l'échine souple. Monstres d'égocentrisme -  comme le romancier Alain Fleischer  qualifie certains d'entre eux, au cours d'un entretien filmé - ils ne pensent, comme on dit aujourd'hui, qu'à leur pomme. Et à leur incontestable talent.

Les préjugés savants et les dérives autoritaires d'Alain Robbe Grille ont le don d'exaspérer ses pairs. Jérôme Lindon est accusé tantôt par Butor plus tard par Duras de faire sur le dos des auteurs de plantureux bénéfices. Editeur  de génie aux idées arrêtées, il rejette Claude Ollier dont il trouve l'oeuvre négligeable et les préoccupations politiques trop présentes. Ollier ne digèrera pas l'outrage. Personnalité à multiples facettes, Lindon éditera La question d'Henri Alleg qui lui vaudra d'avoir son appartement plastiqué. Il signera aussi, et fera signer par ses auteurs, la déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie nommée le Manifeste des 121,  Christophe Honoré, qui signe et le texte et la mise en scène de cet hommage tout ensemble émerveillé et caustique à une époque faste de la littérature française, rappelle que leur judéité valut à Jérôme Lindon comme à Nathalie Sarraute d'avoir sous l'Occupation été en danger de mort.

Honoré, comme il le fait dans ses films, interrompt le déroulement du spectacle en faisant égrener aux comédiens des chansons plutôt guillerettes ou en les faisant danser. Convaincu que  nos identités sexuelles sont indécises, il fait jouer à des actrices telles que Annie Mercier et Brigitte Catillon des rôles masculins. La première impose sa majesté mature dans le rôle de   Jérôme Lindon, la seconde incarne Michel Butor. Il est aussi une séquence délicieusement cocasse où Benjamin Wangermée se glisse dans la peau de Françoise Sagan. On sait par ailleurs gré au metteur en scène d'avoir laissé l'ombre de Beckett, que Lindon plaçait plus haut que tous, planer sur la représentation.

Quelques représentants du sérail littéraire d'aujourd'hui apparaissent sur de petits écrans et rappellent que ces auteurs qui, Butor et Ollier exceptés, se sont effacés du paysage, ne pourraient, à la si frileuse heure présente,   plus trouver  de maison d'édition susceptibles de les accueillir. Ce dont on ne doute pas.

Jusqu'au 9 décembre La Colline tel 01 44 62 52 52

lundi 12 novembre 2012

Festival Mettre enscène

Cette manifestation une fois de plus fait la part aussi belle à la danse qu'au théâtre, aux metteurs en scène débutants qu'à ceux qui ont fait leurs preuves, à des artistes français qu'à leurs confrères venus de diverses contrées européennes. Ainsi l'allemand Thomas Ostermeyer qui a adapté pour la scène La mort à Venise de Thomas Mann. Difficile de rayer de sa mémoire le  film que tira en 1971 de ce court roman Luchino Visconti. Ce qui n'a pas effrayé le directeur de la Schaubühne de Berlin mais l'a au contraire poussé a puisé dans ses souvenirs de cette oeuvre grandiose.  Tadzio, le jeune garçon dont s'éprend au soir de sa vie l'écrivain Aschenbach, ressemble à s'y méprendre, tant par son allure que par ses vêtements, au gracieux enfant choisi par le cinéaste.  C'est ici non une mère d'une altière beauté mais une femme corpulente - qui semble personnifier le mot gouvernante -  qui veille sur lui. Ses soeurs vêtues de noir ont, à l'évidence, été élevées au couvent. Lorsque le spectacle s'achève ce diable d'homme qu'est Ostermeyer a transformé ces vertueuses jeunes personnes en créatures des gouffres, en furies dénudées.
Ebranlé par la passion inextinguible et, comme de bien entendu mortifère, qu'il se découvre pour le bel enfant, le vieil écrivain a, quant à lui, de terrifiantes visions nocturnes. La vidéo qui, tout du long, accompagne la représentation laisse deviner  que c'est l'image de lui même dans ses jeunes années qui le jette dans un tel trouble. Ce spectacle bercé par des  musiques aussi variées que magnifiques a été co-produit par le Théâtre National de Bretagne. Ce qui explique que le narrateur soit de langue française.
 Epris de textes puissants mais qui n'ont avec la scène qu'un rapport lointain, Stanislas Nordey s'est, lui, mesuré à des écrits de Julian Beck et de Judith Malina, un couple new-yorkais  qui à la fin des années 60 fonda le Living theater. La création a pour titre "Living!" et est interprété par des comédiens novices qui ont fait leurs classes à l'école du TNB. Jeunes récitants ils se relaient pour dire des textes souvent abondants, toujours imprégnés de l'esprit insurrectionnel qui régnait dans un temps déjà bien lointain. Est-utile de dire combien est émouvant de voir ces  très jeunes acteurs adresser au public des discours tenus par ceux qui avaient vingt ans en 1968?
 "Gaze is a gap is a ghost" conçue par Daniel Linehan, chorégraphe américain établi en Belgique est nettement moins nostalgique puisqu'il célèbre une technologie censée augmenter les capacités de l'être humain. Trois danseuses qu'on croirait à peine sorties de l'adolescence font une heure durant preuve d'une énergie débordante. Une caméra subjective capte chacun de leur geste ou dédouble l'une d'entre elles.  Les mouvements ininterrompus de ce trio désaccordé sont d'une fraîcheur à laquelle on n'est guère habitué.
 A en croire ces débuts le festival Mettre en scène, qui en est à sa 16e édition, semble se bien porter.
Jusqu'au 24  novembre Rennes - Quimper - Lannion - Vannes - Brest - Saint Brieuc - Lorient  Renseignements 02 99 31 12 31

vendredi 9 novembre 2012

Dark spring d'Unica Zurn

On le sait : la perception des événements survenus dans l'enfance se modifie avec le temps. Le plus étonnant avec Dark spring (Sombre printemps) est que ce recueil d'épineux souvenirs - où elle  décrit avec une sidérante acuité les émois intimes d'une fillette -  a été écrit  par Unica Zürn (1916 - 1970) au soir de sa vie. Désireuse de garder des distances avec la môme qu'elle fut, elle relate son parcours à la troisième personne.
Père absent, mère mal aimante, frère violeur, elle se réfugia dans des ruminations vengeresses et des fantasmes de sévices lesquels sont, aurait identifié Sigmund Freud, des recours contre l'effondrement psychique. L'éclosion d'un premier amour la sortira de la dépression. Mais ne la protégera pas des tentacules familiales.
Le metteur en scène Bruno Geslin a l'art de faire fraterniser comédiens et musiciens. Il a, cette fois, réunis Claude Degliame, dont le talent pour faire briller les mots fait jubiler, et Coming soon, un groupe de jeunes rockers anglophiles dont la richesse de l'invention mélodique ferait frémir une bûche.
Ce spectacle, qui avait été vigoureusement applaudi la saison dernière, se donne au Paris-Villette que la mairie de Paris et le ministère de la culture ont lâché sous des prétextes indignes et donc condamné à la fermeture.
Jsqu'au 24 novembre Paris Villette tel 01 43 38 83 45 tarif unique 12 euros    

mercredi 7 novembre 2012

Souvenirs d'un pauvre diable d'Octave Mirbeau

Mieux que le fait durant les mêmes années Jules Renard dans Poil de carotte et le feront plus tard François Mauriac et Hervé Bazin, Octave Mirbeau (1848 - 1917) décrit dans ces "Souvenirs d'un pauvre diable"le nid de crotales familial dans lequel il grandit. Enfant rêveur il fut rejeté et constamment moqué  par des parents d'une "honnête inintelligence" et par ses deux pimbêches de soeurs. Son talent à décrire cette parentèle à laquelle s'ajouteront deux beaux frères d'une abyssale médiocrité est pure réjouissance. Les chemins de la mémoire le mènent  aussi sur les traces d'une vieille et hideuse cousine tourmentée par sa libido. Cette femelle en folie comme il l'appelle lui fera subir un "demi viol"
Entouré d'un père que ses questions d'enfant curieux des choses de la vie embarrassait et qui se plaisait à exercer sur lui son ironie et d'une mère dévote qui ne posa jamais sur son fils  qu'un regard dénué d'affection, il s'abîma dans la contemplation des étoiles puis découvrit le plaisir et les déboires que procurent les amours ancillaires.
Anne Revel-Bertrand, la metteuse en scène de ce spectacle qui tient de bout en bout le spectateur en alerte, a tiré  de ces mémoires d'un enfant traumatisé un découpage d'une remarquable et savoureuse intelligence.  Joué par Patrick Coulais et Yves Rocamora, deux comédiens stupéfiants d'inventivité qui inversent fréquemment les rôles, ce monologue apparaît comme un joyau aussi désespéré que désopilant.
Jusqu'au 22 décembre Théâtre du Marais tel 01 45 44 88 42

vendredi 2 novembre 2012

Les Estivants de Maxime Gorki

On savait que le collectif de comédiens  tg STAN a l'art de rendre cocasse l'univers  des auteurs à priori les moins drôles. Ce fut le cas avec Ibsen, Schnitzler et d'autres tout aussi accablés par la propension de leur semblables à aller vers leur perte. Dès les premières scène où des hommes et des femmes à l'accent belge à couper au couteau se retrouvent un été réunis dans la maison de Varja, l'épouse d'un homme d'affaires fortuné et d'une honnêteté douteuse, le rire nous gagne. Mais à ce  climat de cabaret se substitue peu à peu, au fur et à mesure que la personnalité des protagoniste émerge, un autre qui tout au long de la représentation oscillera entre la gravité et la comédie.
Varja est le réceptacle des confidences de chacun. Comme aucune relation n'est sans nuages et que les rumeurs prennent feu à une vitesse folle, elle a fort à faire. D'autant qu'insatisfaite de sa vie oisive, elle se trouve engluée dans ses propres tourments.
Gorki écrivit cette pièce afin de dépeindre la petite bourgeoisie cultivée d'avant la révolution bolchevique.  Il croque avec une habileté indéniable des personnages aussi hauts en couleur qu'un écrivain sentencieux et vain, qu'une femme à la maturité rayonnante troublée par la passion qu'elle inspire à un garçon de 18 ans, qu'une vieille fille qui se prend pour une poétesse et écrit des vers exécrables, qu'une mère de famille acariâtre qui n' a de plus grandes satisfactions que de déballer ses aigreurs....
Les plupart des acteurs interprètent plusieurs personnages. On s'y perd parfois un brin. Ce qui est de peu d'importance tant on est subjugué par l'accumulations de scènes truculentes superbement (et collectivement) mises en scène et chorégraphiées.
Si les oeuvres engagées de Gorki ont pris un sérieux coup de vieux, il n'en va pas de même des Estivants qui dans l'adaptation concoctée par Jolente De Keersmaker - qui s'est par ailleurs glissée dans la peau de Varja - apparaît d'une incontestable modernité. Au point qu'on on peut y voir un clin d'oeil à nos temps si éprouvants.
Les options esthétiques radicales du tg STAN sont  cette fois (c'est loin d'être toujours le cas) les bienvenues.
Dans le cadre du Festival d'automne Jusqu'au 17 novembre Théâtre de la Bastille tel 01 42 57 42 14

jeudi 1 novembre 2012

La chair de l' homme de Valère Novarina

Ses écrits, affirme volontiers Valère Novarina, se sont fait tout seuls.Ont jailli de sa plume ou plutôt du plus profond de son être sans qu'il le décide. Il se situe, se disant, dans la lignée des  écrivains surréalistes qui  dans ce qu'ils appelaient les cadavres exquis laissaient  les mots qui leur venaient à l'esprit s'emboiter à leur guise.  La différence, de taille, est que l'oeuvre de Novarina est celle d'un homme féru de théologie. La connaissance de l'Ancien et du  Nouveau testament imprègne  le flot d'éructations, de paroles inventées, d'allitérations  qui sortent de la bouche de Marc-Henri Lamande.

Vêtus d'un vêtement noir qui lui colle à la peau et ressemble à un habit de plongée et le visage couvert de blanc à la manière d'un Pierrot, ce fabuleux comédien balance ou chante un texte qui comprend monologues et dialogues. On a du mal à saisir comment il arrive à mémoriser une telle quantité de tronçons  de phrases et de listes de noms. Entouré d'une violoncelliste et d'un spécialiste du numérique assis  à un pupitre, l'acteur est littéralement emporté par la spirale de termes qui disent la solitude, l'angoisse, les transports de l'âme. Les amateurs d'expériences artistiques audacieuses ne peuvent qu'être sensibles à  l'amplitude poétique de ce spectacle aussi modeste que gracieux.

Jusqu'au 18 novembre Lucernaire tel 01 45 44 57 34