jeudi 29 septembre 2011

La pluie d'été de Marguerite Duras

Le cas est assez rare pour être souligné. En 1984, Marguerite Duras signe un film, Les enfants, qui ne ressemble en rien à ses longs métrages précédents. Le personnage central, Ernesto, annonce à ses parents qu'il ne veut plus se rendre à l'école car on y apprend des choses qu'il ne sait pas. Dix ans plus tard elle écrit Pluie d'été dans lequel elle étoffe les personnages du film. Aujourd'hui Emmanuel Daumal tire de ce roman un spectacle de théâtre.

Le thème de l'étranger si cher à l'écrivaine née au bord du Mékong est ici constamment présent. La mère vient des Carpathes, le père de la plaine du Pö. Sans un sou, ils vivent à Vitry dans un bidonville, ont fait sept enfants et passent de nombreuses soirées à se bourrer la gueule. Leur fils aîné Ernesto , 12 ans, apparaît comme l'enfant sauvé des eaux de la littérature. L'ancien testament est constamment présent puisque le môme qui a rompu avec le système scolaire cite abondamment l'un des fils du roi David qui, après avoir fait de multiples incursions dans les domaines du savoir en arrive à la conclusion que tout se vaut. Ernesto n'en devient pas moins un esprit d'immense envergure. La preuve que le génie ne s'apprend pas...

Les personnages sont tous d'une singularité irréductible. La mère est tentée d'abandonner ses enfants mais a pour Ernesto une affection si grande qu'elle lui permet de comprendre ses mots aux oreilles des autres si énigmatiques. Le père a, lui, une préférence marquée pour Jeanne l'aînée de ses filles. Quant à Ernesto il se rend soudain compte qu'il aime sa soeur d'amour. Comme cette passion est réciproque, ils couchent avec le plus grand naturel ensemble. On se souvient à cet instant de la tendresse débordante de Duras pour l'un de ses deux frères.


Joué avec un entrain contagieux par Claude Mathieu (magistrale), Christian Gonon, Eric Genovèse, Marie -Sophie Ferdane et les jeunes et bigrement talentueux Jérémy Lopez et Adeline d'Hermy ce spectacle au cour duquel ne fleurissent que des situations saugrenues en dit aussi long sur la transformation si mal conçues des banlieues ouvrières.

Les écrits de Duras sont toujours montés et joués dans un climat respectueux sinon pompeux. Le metteur en scène donne au contraire de cette oeuvre qu'elle a fait jaillir d'elle à la fin de sa vie, une vision chaloupée. Ce qui déplaît à certains. Et met beaucoup d'autres en joie.

Jusqu'au 30 octobre Théâtre du Vieux -Colombier tel 01 44 39 87 00

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