mercredi 9 février 2011

Un tramway nommé désir de Tennessee Williams

Célèbre par le film qu'en tira Elia Kazan, Un tramway nommé désir apparaissait comme une oeuvre d'un réalisme éprouvant. Orchestrée par Lee Breuer, figure majeure de la scène alternative américaine et fondateur de la compagnie Mabou Mines, la pièce semble flotter dans les eaux troubles d'une mémoire malmenée. Celle de Blanche DuBois qui débarque sans crier gare chez sa soeur Stella qui vit avec son mari Stanley Kowalski, un homme fruste mais qui ne s'en laisse pas conter, dans un logement vermoulu de la Nouvelle-Orléans.

Bien qu'elle avoue à sa soeur avoir perdu leur fastueuse demeure familiale, Blanche se comporte comme une reine en son royaume. De son passé soyeux elle a gardé le goût du luxe. Mais comme elle n'a plus un sou vaillant, elle porte des robes et des bijous de pacotille qui, croit-elle, en jettent.L'inimitié entre son beau frère, qu'elle traite de polak, et elle va en s'accentuant. Gagné par la haine, Kowalski glanera des informations compromettantes sur le passé de celle qui le considère comme un rustre. Les fractures trop nombreuses de l' existence de celle qui dit préférer la magie au réel vont lui faire rejoindre les contrées de la folie.

On peut ne pas totalement adhérer à ce spectacle dont la circulation incessante de panneaux japonisants tue parfois l'émotion, on ne peut en revanche que constater que le metteur en scène arrive malgré cet écueil (qui n'en est pas un pour tout le monde) à tirer de la pièce sa quintessence tragique. Il faut dire qu'Anne Kessler est une Blanche Dubois grandiose. Les comédiens rencontrent parfois dans leur carrière un rôle avec lequel ils ont , plus qu'avec tout autre, des affinités électives. Ce qui semble être ici le cas. Le reste de la distribution est au diapason. Eric Ruf ne fait pas du vindicatif beau-frère, comme il est d'usage depuis l'interprétation de Brando, une masse de muscles exsudant la sexualité mais un être ambigu, mimant avec une jouissance évidente les minauderies de Blanche. Françoise Guillard, actrice au talent bien trempé, est une Stella qui exprime on ne peut mieux l'ambivalence des relations familiales.

De nombreuses scènes comme notamment celle du viol, dont on ne sait s'il a lieu ou n'existe que dans l'imagination perturbée de Blanche, ou les parties de poker dont les femmes sont exclues confirment que Lee Breuer n'a pas volé sa prestigieuse réputation.

En alternance jusqu'au 2 juin Comédie française Salle Richelieu tel 08 25 10 16 80

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