vendredi 5 mars 2010

Les justes d'Albert Camus

Stanislas Nordey a la passion des textes. Beaucoup de ses spectacles adoptent d'ailleurs la forme d'adresse au public ou d'oratorio. Sa rencontre avec Albert Camus dont les oeuvres reflètent les débats moraux qui le taraudaient ne pouvait que grandement lui convenir. Nombreux sont ceux qui se souviennent de la trame des Justes qu'il écrivit en 1949 : une groupe de terroristes dans la Russie d'un tsar qui a tout du despote peu éclairé ne trouve pas d'autre alternative pour contrer l'appareil répressif que d'assassiner le grand duc, suppôt du totalitarisme.


Ivan Kaliayev, qui affirme haut et fort qu'il est un justicier non un criminel, est désigné pour commettre l'attentat. Au moment où il allait passer à l'action il en est empêché par la présence dans la calèche de deux enfants, les neveux de celui qu'il devait faire disparaître. Trois jours plus tard il arrive à ses fins et est arrêté en sachant pertinemment que son sort est scellé. Peu de temps plus tard il reçoit dans sa cellule la visite de la veuve du grand duc, qui lui propose de demander sa grâce contre le pardon du Tout Puissant. Kaliayev refuse catégoriquement ce marché et sera exécuté. Ce face-à-face, d'une exceptionnelle intensité dramatique contraste avec la sobriété qui imprègne le reste de représentation.


Si cette pièce qu'on considérait vieillie nous touche tant c'est que sa scénographie est d'une splendeur sans apprêt, que les comédiens notamment Vincent Dissez, dont la jeunesse à bout de souffle nous remue au plus profond, Emmanuelle Béart qui apporte au rôle de Dora une indescriptible gravité et Véronique Nordey qui donne une grandeur émouvante au personnage de la grande duchesse dont les convictions pourtant ne nous touchent guère. Plus connu pour son théâtre épico-historique, Wajdi Mouawad incarne avec une force qui n'attire pas nécessairement la sympathie Stepan Fedorov, dont le fanatisme a eu les effets que l'on sait. Mais si cette peinture d'un groupe de nihilistes inspirée de personnages qui ont existé nous semble aujourd'hui tellement connecté à l'actualité c'est que le terrorisme a de nos jours reprit du poil de la bête et que l'ultra-libéralisme qui met tant de gens sur la paille pourrait bientôt provoquer des comportements proches de celui des insurgés dont la pièce de Camus explique le jusqu'auboutisme.

Jusqu'au 13 mars Théâtre National de Bretagne tel 02 99 31 12 31
Du 10 mars au 23 avril La Colline - Théâtre National Paris tel 01 44 62 52 52

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