vendredi 25 septembre 2009

La serva amorosa de Carlo Goldoni

Un vieillard cacochyme mais plein aux as a pris pour seconde épouse une harpie d'une cupidité sans bornes. Son plus ignoble exploit est d'avoir réussi à faire chasser de la maison de son mari son fils légitime lequel est accompagné dans son exil par une servante aussi dévouée que finaude.
Commence entre les deux femmes un combat aussi discret qu'inexpiable.
Comédien des sommets, Robert Hirsch fait, comme on pouvait s'y attendre, une composition réjouissante de vieillard sous la coupe de sa femme. Celle-ci interprètée par Claire Nadeau se hisse à son niveau. L'un des meilleurs moments du spectacle est celui de la partie de cartes que jouent les tendres époux pendant laquelle madame pense à haute voix -mais hélas sans s'adresser au public - tout le dégoût que lui inspire son si vieux mari. Une des autres scènes qui restera dans les mémoires est celle où le notaire convoque pour témoins des figures de cire.
Engluée dans ses mensonges, l'épouse qui sans cesse dégorge colères et perfidies finira par perdre la partie. Belle joueuse, Coraline, la servante, à qui le fils de la maison avait promis le mariage, poussera celui-ci dans les bras d'une fille de son rang dont il s'est épris.
Même si le jeu de quelques uns des comédiens est plutôt défaillant et que la mise en scène de Christophe Lidon ne fait pas oublier celle, admirable, conçue, il y a quelques années par Jacques Lasalle à la Comédie -Française, cette représentation ne peut que mettre du baume au coeur des spectateurs au moral fléchissant.
Hebertot tel 01 43 87 23 2"

jeudi 24 septembre 2009

Quatre pièces de Feydeau

Il n'y a guère que deux raisons d'aller découvrir ce spectacle dans lequel le metteur en scène Gian Manuel Rau enfile quatre courtes pièces de Feydeau, cet ancètre du théâtre de l'absurde. La première de ces raisons est que Feu la mère de madame qui clôt la représentation et qui seule est connue du public reste un des chef d'oeuvre de son auteur. Elle est défendue avec une fantaisie décapante par Anne Kessler, Laurent Stocker et Christian Hecq, dont le tempérament comique est carrément irrésistible mais pourrait lui jouer des tours s'il ne change pas de temps à autre de registre. Les trois autres pièces ne sont pas restées dans les tiroirs par pure négligence. Elles n'évitent pas les poncifs d'un genre éprouvé. L'autre motif de se rendre au théâtre du Vieux Colombier est que Léonie Simaga distribuée dans des rôles d'un piètre intérêt possède ce qu'on appelle une voix d'or. Qu'on espère avoir bientôt à nouveau l'occasion d'apprécier.
Jusqu'au 25 octobre Comédie -Française Théâtre du Vieux - Colombier tel 01 44 39 87 18

mardi 22 septembre 2009

L'avare de Molière

Après Michel Aumont qui durant vingt ans campa à la Comédie Française le rôle d'Harpagon, c'est à Denis Podalydès qu'échoit aujourd'hui le personnage le plus près de ses sous du répertoire. Il donne à cet individu à la sensibilité de bûche une dimension burlesque qui a pour effet que la plupart de ses apparitions font se tordre le public. C'est que la passion de l'argent non seulement lui fait prendre des mesures mortifiantes à l'égard de ses proches mais lui a visiblement corrodé l'esprit.
Catherine Hiegel qui assure la mise en scène l'a sacrément gâté en demandant à Goury d'imaginer le décor lequel est une merveille et en confiant à cet homme au goût sûr qu'est Christian Gasc la création des costumes. Il est de plus entouré de comédiens d'envergure tels que Dominique Constanza, Jérôme Pouly, Benjamin Jungers et d'une nouvelle venue qui d'emblée éblouit : Suliane Brahim.
Le spectacle est on ne peut plus classique et fera le bonheur des spectateurs amoureux de la belle ouvrage mais dans une société comme la nôtre soumise au dieu de l'argent il arrive à point nommé.
En alternance jusqu'au 21 février Comédie- Française Salle Richelieu tel 08 25 10 16 80

lundi 21 septembre 2009

L'européenne de David Lescot

Auteur inclassable mais d'un talent certain, David Lescot nous régale cette fois d'une épopée dans laquelle il fait le pari que l'Europe est un levier pour la paix. Il faut pour cela que le Sud s'organise et dénonce les vices innombrables de l'Union européenne qui n'a que trop tendance à le dépouiller. Une douzaine de comédiens et de musiciens occupent le plateau. Des phrases dites en différentes langues (italien, français, slovaque, portugais...) se télescopent. David Lescot qui a l'écriture tourbillonnante mêle rêves et réel, drôlerie et mélancolie, scènes parlées et intervalles mélodiques (les acteurs ont des voix qui prennent aux tripes)
Le passé dont on ne peut faire table rase si l'on tente de changer le cours de ces temps impitoyables se rappelle à notre souvenir par à la présence sur son lit de mort d'une vieille femme, juive polonaise arrivée en France dans les années vingt. On comprend sans peine que cette aïeule est la grand mère de l'écrivain-metteur en scène. Ceux qui s'élèvent contre les musiciens qui jouent de la musique klezmer n'ont rien compris au film dont ils sont les acteurs.
Grâce à la présence d'interprètes dont la présence en impose et d'une suite de scènes qui se déroulent simultanément et parfois derrière un rideau où ne se meuvent que des ombres, ce spectacle avec ses scènes désaccordées se termine sur un bal d'une poésie infinie qu'il n'est pas interdit de voir comme un ferment de l'avenir.
A partir du 22 septembre Jusqu'au 7 octobre Aux Abbesses tel 01 42 74 22 77
11-14 nov Théâtre national de Bordeaux

vendredi 18 septembre 2009

Le cauchemar de Jean-Michel Rabeux

Metteur en scène résolument hors-chapelle, Jean-Michel Rabeux ne s'est jamais autant livré que dans cette pièce née, dit-il d'un cauchemar. Comme pour Sade la nature est pour lui indissociable d'un désir de destruction. Un juge qui, comme les sages orientaux sait que la réponse est dans la question, interroge une femme accusée de parricide, de matricide, d'inceste et peut être d'infanticide. La femme (Claude Degliame) répond de sa voix à la fois grave et pulpeuse des phrases qui laissent planer le doute. Mais soucieux de forer au plus profond, son interlocuteur ne lâche pas prise.
Ce sera ensuite avec sa fille (Vimala Pons, une découverte dont la beauté androgyne a une parenté avec celle de Claude Degliame) qu'il engage le fer. Ses souvenirs la traversent peu à peu comme un trait de feu.
Le metteur en scène nous plonge au coeur d'un procès qui évoque ceux des mythes antiques. Peut être, car il perdit sa mère alors qu'il avait cinq ans, sait-il aux tréfonds de lui-même ce qu'est la tragédie. Si le spectacle a des parfums chimériques c'est que pour s'accorder au réel il dût souvent laisser les rêves et l'imagination prendre le dessus.
La pièce rappelle que si nul n'est innocent (comment le serait-on alors que les débordements de nos corps nous font envisager les accouplements les plus baroques) nul non plus n'est coupable de ses pensées et de ses appétits.
Rabeux, une fois de plus ne fait pas dans la demi- mesure, c'est pourquoi sa présence dans le théâtre français devenu à l'image de la société, si pudique et bien pensant, est indispensable.
Jusqu'au 17 octobre Théâtre de la Bastille tel 01 43 57 42 14

samedi 12 septembre 2009

Parole et guérison de Christopher Hampton

Devenu célèbre grâce à son adaptation théâtrale du roman épistolaire de Choderlos de Laclos Les Liaisons dangereuses, Christopher Hampton nous entraîne aujourd'hui à Zurich où le jeune Carl Gustav Jung tente de mettre en pratique les théories du génie précurseur viennois Sigmund Freud. Metteur en scène en plein élan, Didier Long est à la manoeuvre.
La pièce tourne autour des liens qui vont unir des années durant Jung à sa première patiente Sabina Spielrein, une jeune juive russe au pédigree familial chargé dont les flambées de testostérone ont poussé ses parents à la placer dans l'hôpital où officie celui que Freud considère encore comme son disciple le plus prometteur. Il apparaît vite que lorsque sa psyché n'est pas en effervescence, l'intelligence est le fort de sa patiente. Bientôt elle prend feu dès qu'elle le voit. Bien que père d'une ribambelle de plus en plus nombreuse d'enfants, Jung ne résiste pas longtemps à ses attraits.
Freud qui n'est guère partisan des liens trop intimes entre les psychanalystes et les sinistrés de l'âme qui sont venus les consulter ne semble pas disposé à favoriser cette liaison. Affirmant la raison contre la religion, il apprécie aussi très peu le goût de la spiritualité mais aussi les penchants antisémites qu'il devine chez Jung. A la grande déception de son amant Sabrina se rendra à Vienne pour poursuivre son analyse à la Burgstrasse. Consciente qu'il n'y a pas d'autres mémoires que celles des blessures (comme l'écrit Milosz), elle deviendra elle-même analyste.
Barbara Schulz compose surtout , lorsqu'elle n'exprime pas de façon un peu trop prévisible la douleur tapie dans son coeur, une inoubliable Sabina Spielrein, Bruno Abraham-Kremer peaufine un Freud inattendu, étincelant d'humour. Léna Bréban fait, quant à elle, de madame Jung un être d'une chaleureuse humanité. On notera parmi les scènes les plus réussies, celles, hélas trop brèves, où Otto Gross, qu'interprète Alexandre Zambeaux, fait l'éloge de l'intempérance. La force de ses arguments laisse son thérapeute séduit et sans voix.
Théâtre Montparnasse tel 01 43 22 77 74

jeudi 3 septembre 2009

Suzanne une femme remarquable,

Comme elle l'avait fait avec Quartiers et la Goutte d'or, Laurence Février a bâti son spectacle à partir de sa rencontre avec une personne réelle. Suzanne est une juriste engagée qui fut durant vingt ans membre du parti communiste et fut même dans sa jeunesse lié au réseau Jeanson. Bien qu'elle sache pertinemment que le prolétariat est en train de rendre son dernier souffle, elle reste persuadée que le lion populaire sait encore montrer les dents.
Tout au long de la représentation (laquelle ne dure qu'une heure) elle porte frontalement une parole politique et analyse avec sagacité la place réduite des femmes dans la vie sociale. Elle se souvient que même au P.C. sévissait un sexisme à toute épreuve. Laissant déborder son ressentiment, elle raconte que ses camarades se faisaient avorter à l'insu de leur mari. Pas naïve pour autant, elle constate que les actuelles femmes de pouvoir (on en connaît tous) sont obligées de s'identifier à une identité masculine, ce qui a notamment pour effet qu'elles déploient toute leur energie pour que leur consoeurs ne montent pas en grade.
D'origine corse, elle sait aussi que les lois diffèrent selon les régions où elles sont appliquées et rappelle que le droit coutumier est toujours en vigueur dans son île natale. Elle ouvre ainsi tout du long de belles pistes de réflexion. On appréciera enfin ses vertes critiques à l'égard de notre époque où la réussite et la concurrence ont remplacé la solidarité qui réunissait les gens de sa génération.
Irradiant l'esprit qui habite cette personne qu'on sent toujours aussi éprise de l'avenir,Laurence Février est une grandiose Suzanne.
Jusqu'au 18 octobre Théâtre Le Lucernaire tel 01 45 44 57 34 Du mercredi 9 au samedi 12 décembre Théâtre de La Verrière Lille