vendredi 29 mai 2009

Fragments de Samuel Beckett

Jamais au grand jamais, l'enjouement sombre de Beckett n' a été aussi bien restitué que dans ces Fragments mis en scène par Peter Brook. La première partie décrit la rencontre d'un aveugle et d'un estropié dont la relation tourne tantôt à l'intimité (l'un d'eux en arrivera même à toucher les parties génitales de l'autre), tantôt au conflit. Dans une autre de ces pièces à la longueur réduite une femme d'une solitude inextricable est à l'affût, à sa fenêtre au store levé, d'une autre fenêtre dont le store se levant apporterait la preuve qu'il est dans ce monde une autre âme vivante.
Bien qu'il décrive constamment des personnages qui ne sont pas à la noce, l'écrivain  imprime dans ces oeuvres courtes mais pas le moins du monde mineure un juste équilibre entre cocasserie et tragique. Si les dialogues sont voués à l'essentiel, il est même une des oeuvres où pas un mot n'est échangé. Hayley Carmichael, MarcelloMagni et Khalifa Natour étrennent leurs nombreux rôles avec un bluffant savoir-faire. Le spectacle se clôt sur la vision du plus subtil comique de la comédienne et de ses deux partenaires vêtues de robes à l'élégance flétrie assises sur un banc. Dès que l'une s'éloigne les deux autres se chuchotent à l'oreille des informations certainement peu amènes sur son compte. 
Revenant incessamment aux mêmes motifs Beckett décrit comme dans ces pièces les plus jouées des êtres vivant dans les marges les plus extrêmes de la société ou condamnés à l'isolement. Joué en anglais sur-titré, ce spectacle aurait sans doute aucun reçu l'assentiment de son pointilleux auteur.
Jusqu'au 20 juin Théâtre des Bouffes du Nord  

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