samedi 8 novembre 2008

Shakespeare l'indépasable

Evoquant Iago, Othello dit : c'est un homme qui connaît tous les rouages de la condition humaine. On pourrait retourner le compliment à Shakespeare dont la perception si aiguë de ses semblables a fait un auteur indémodable.  L'Othello qu'a monté Eric Vignier dessert  malheureusement, la pièce à cause de sa mise en scène trop esthétisante, d'une musique omniprésente et d'une direction d'acteurs dénuée de la moindre rigueur. (Théâtre de l'Odéon jusqu'au 7 décembre) Il en va tout autrement de Mesure pour mesure à laquelle, c'est le cas de le dire , s'est mesuré Jean-Yves Ruff . ( MC93 jusqu'au 2 décembre puis en tournée jusqu'en mars)

Peu connaissent la trame de cette pièce qui débute au moment où le duc de Viennes délègue pour une période indéterminée son pouvoir absolu à son cousin Angelo dont la réputation d'intégrité est reconnue par (presque) tous.  Ce parangon de vertu a quelque tendance à confondre plaisir du corps et péché de l'âme. Ce qui le pousse à faire condamner à mort un jeune homme qui sans l'avoir encore épousé  a rendu enceinte la fille qu'il aime. Le condamné demande à sa soeur, une novice jolie comme un coeur, d'intercéder en sa faveur auprès d'Angelo. D'abord inflexible,  ce dernier séduit par celle qui l'implore avec tant d'acharnement,  va bientôt devoir affronter des forces aveugles autrement dit être en proie à sa libido. Il accepte de gracier le frère si la soeur couche avec lui Un curieux moine va alors s'en mêler et jouer avec une perversion amusée des sentiments et des désirs  de chacun.

Traducteur en pointe de l'anglais comme du russe (mais aussi du breton!), André Markowicz
donne une juste équivalence à la langue de Shakespeare. Mais si le spectacle est aussi délectable et accroche de bout en bout l'attention c'est aussi grâce à l'intelligence des partis pris du metteur en scène, au mélange de cruauté et de générosité des personnages incarnés par des comédiens au talent bien trempé comme Jérôme Derre et Eric Ruff et à l'interprétation délicieusement singulière de Laetitia Dosch, une nouvelle venue qui promet. Ce spectacle qui compte tant de moments d'une grâce infinie est la preuve s'il en faut que Patrick Sommier qui dirige  la  MC93 de Bobigny est loin de faire les choix élitistes que lui reproche le ministère de la culture. 

Shakespeare sera cette saison constamment à l'affiche puisque Christian Schiaretti  montera sous peu Coriolan  au Théâtre des Amandiers à Nanterre. On ne peut pour l'instant rien  en écrire puisque Nada Stacar qui y était remarquable à des ennuis de santé et ne peut donc reprendre son rôle. 
Claire Lasnes met, quant à elle, en scène Hamlet  qui sera incarné par Patrick Catalifo. Ce spectacle qui y restera jusqu'au 15 janvier inaugurera l'ouverture du Grand Théâtre de Poitiers le 6 janvier.  Il sera ensuite joué sous chapiteau dans le Poitou et rejoindra Lyon du 20 mars au 3 avril. Avec l'espoir qu'on le voit la saison prochaine à Paris. 
Un entretien avec Jean-Yves et Eric Ruff paraîtra dans peu de jours 

    

Aucun commentaire: